Cofidis-Prozess 11.2006: Vernehmungsauszüge (franz.)
Die folgenden Zitate sind Auszüge aus Zeitungsartikeln. Inwieweit diese den Gerichtsprotokollen entsprechen, kann ich nicht beurteilen. Vergleiche von Aussagen in verschiedenen Zeitungen lassen den Schluss zu, dass es sich häufiger nicht um wörtliche Wiedergaben handelt.
Philippe Gaumont, 7.11.2006 AP
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Agé de 33 ans, aujourd’hui retiré du cyclisme, Philippe Gaumont était interrogé sur la prise d’un corticoïde, le Kénacort, et les moyens pour le masquer lors de contrôles antidopage.
Le juge assesseur Laurent Bougerie l’interroge.
Le juge : „Quelle est la première fois que vous avez pris du Kénacort?“
Gaumont : „Armand Mégret m’a injecté mon premier produit dopant de ma carrière en 1994“.
Le juge : „Le même Armand Mégret qui est aujourd’hui médecin fédéral et vers qui remonte le suivi longitudinal (suivi médical des coureurs censé lutter contre le dopage, ndlr)?“
Gaumont : „Oui“.
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Gaumont : „Je n’ai gagné qu’une course non dopé chez les professionnels, c’est le tour de Poitou-Charentes en 1994“. (…)
„Chez Cofidis, j’ai vu un seul coureur ne pas se doper, c’est David Moncoutié. Il a des qualités naturelles et il a eu le caractère de refuser“.
Quant à l’avenir, il estime „difficile de faire bouger les choses“ : „De toute façon, le vélo est dirigé par d’anciens coureurs, et qui dit anciens coureurs dit obligatoirement anciens dopés“.
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Jean-Jacques Menuet, 9.11.2006 l’Humanité
« Je me considérais comme un travailleur social dans un milieu en difficulté.“ (…)
„Je jure que mon discours a toujours été d’exclure les conduites dopantes“, assure-t-il.
Confronté aux déclarations de l’ancien coureur Philippe Gaumont, qui, la veille, avait mis en cause sa responsabilité, Jean-Jacques Menuet répond : „Allégations mensongères.“
Les cocktails de médicaments injectés avant les contre-la-montre ? Des „placebos“. Les ordonnances de Cervoxan, Nootropyl, Pentoflux et autre Fonzylane ? Des „médicaments tout à fait adaptés“ pour favoriser la récupération du coureur après une vilaine chute dans Paris-Roubaix en 2001 et non pas une „quelconque aide au dopage“.
Le Nasacort – autorisé – recommandé pour couvrir la prise – interdite – de Kenacort au contrôle antidopage ? Une „vaste fumisterie“ : „99 % du Nasacort est éliminé dans les selles au bout de deux heures.“
„Le dopage trouve sa genèse dans les périodes de détresse totale par lesquelles passent les coureurs, explique Jean-Jacques Menuet. J’ai été confronté à des coureurs qui avaient des addictions sexuelles, qui étaient accros au Stilnox (un somnifère) et à d’autres substances et qui pouvaient passer une nuit à se taper la tête contre les murs. Je ne pouvais pas lutter : c’est pour ça que j’ai fait appel à un psychiatre comme deuxième médecin d’équipe.“
Le procureur de la République, Jacques Hossaert, lui demande pourquoi il n’intercédait pas auprès du directeur sportif de l’équipe pour ne pas faire courir certains coureurs au profil biologique douteux ?
„Le médecin d’équipe n’est un médecin ni d’aptitude ni d’inaptitude“, précise Jean-Jacques Menuet, qui assure avoir alerté une antenne médicale de lutte contre le dopage (AMLD) sur le cas d’un coureur qu’il suspectait de dopage. Le médecin a également dénoncé les „gourous“ vers lesquels se tournerait la „moitié du peloton“ pour leur préparation.
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Jean-Jacques Menurt, 9.11.2006 l’Equipe
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C’est donc un homme remonté qui s’est présenté en fin de matinée, pressé d’en découdre, peinant à juguler ce flot de mots qui ne demandaient qu’à se déverser. « Je tiens à préciser d’entrée que je suis lié pour certaines choses au secret médical mais que je vais quand même essayer d’apporter des preuves, et tant pis pour certains coureurs ! » La présidente Ghislaine Polge semble étonnée de cette entame martiale. « Je vous interroge en tant que témoin, pas en tant que prévenu. » Il baisse d’un ton. « Je vous prie de m’excuser, mais je ne suis pas habitué, ça n’est pas mon métier. »
Son métier, c’est, comme il le définit en préambule, celui de « médecin de campagne, de médecin de famille ». Spécialiste en nutrition, il débarque en 1998 chez Cofidis. Un an plus tard, il devient médecin de l’équipe et découvre les coureurs, « des êtres fragiles qui traversent des périodes de détresse que vous n’imaginez pas. J’ai tenté de leur offrir un espace d’écoute et de confiance. On a partagé des tranches de vie et j’ai la prétention de leur avoir apporté quelque chose, peut-être une petite forme d’humanisme. » La présidente n’en a cure. Elle brandit un procès-verbal d’audition de Gaumont et égrène les accusations. Et Menuet répond, point à point.
Sur les prescriptions de produits licites censés accompagner la prise de dopants ? « Je persiste, valide et jure que ce sont de bonnes prescriptions liées à des pathologies dont il souffrait. J’ai gardé tous les dossiers, je n’ai rien brûlé. »
Sur le conseil d’un produit masquant via une ordonnance de complaisance délivrée par un confrère : « C’est une vaste fumisterie ! Il n’y a aucune relation scientifique entre ces deux produits, j’ai des expertises qui le prouvent. »
Sur la fourniture de Kenacort (un corticoïde interdit) : « Faux, archifaux ! C’est toujours la même stratégie de défense, on tente une diversion pour fuir ses responsabilités. » Menuet a préparé son affaire, il se défend avec une sincérité parfois maladroite, quitte à dépasser la ligne : « Faites un peu attention à la manière dont vous vous exprimez ! » lui lance la présidente. Car il s’énerve, se tourne vers Sassone, l’interpelle, fait de même avec Gaumont. La présidente, sèchement : « C’est au tribunal que vous parlez ! »
Puis vient la question fondamentale du rôle de médecin d’équipe, hier au centre des débats (voir par ailleurs). Menuet, posément, fixe les limites de son action. « J’avais une mission de soins, d’écoute et de veille à la santé des coureurs. Mais je n’étais en aucun cas ni un médecin d’aptitude, ni d’inaptitude, ni d’expertise. Je peux jurer que ma démarche s’est faite en pleine transparence avec les textes alors en vigueur. Et que j’ai fait le maximum en fonction de mes possibilités. »
Pressé d’expliquer s’il avait connaissance des pratiques de certains coureurs (dopage, addiction au Stilnox – un hypnotique –, pratiques sexuelles déviantes) et pourquoi il n’a pas alerté ses dirigeants (comme le stipulait l’article 5 de son contrat), il se réfugie derrière le serment d’Hippocrate : « Je tairai les secrets qui me sont confiés. » Il dit tout de même avoir envoyé des courriers aux coureurs, en avoir parlé au psychologue de la Fédération (le docteur Seznec, dont le rapport accablant n’a pourtant été suivi d’aucun effet chez Cofidis) et avoir alerté une fois l’antenne médicale de lutte contre le dopage. Mais personne ne semble convaincu. « J’ai fait mon travail à l’endroit où je devais le faire. Je ne pouvais pas maîtriser la situation. Isolément, les coureurs sont des garçons charmants et respectables mais en bande, c’est le syndrome de la colonie de vacances. »
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Avant de quitter le tribunal, il s’est s’arrêté une dernière fois devant micros et caméras : « C’est comme une délivrance. J’ai longtemps attendu ce moment, je m’y étais préparé. J’ai été offensif, peut-être trop mais j’avais tellement de choses fortes sur le cœur. J’ai fait mon travail, du mieux que j’ai pu. Sans doute aurais-je pu faire plus, je le regrette tous les jours. Mais je n’en veux à personne. Gaumont est un bon gars, qui a cédé à la tentation. Maintenant, j’ai envie d’oublier. Et de pardonner. »
Armand Mégret, 9.11.2006 l’Equipe
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Hier, en début de soirée, Mégret a fait cette mise au point à la barre, posément. « Ce prélèvement, qui a révélé l’effondrement du taux de cortisol de Sassone, a été réalisé par l’Union cycliste internationale, comme c’est le cas avant chaque grand Tour. Menuet m’a simplement informé par mail de cette anomalie. Et je lui ai dit, par pure confraternité, comment moi j’aurais agi si j’avais été à sa place. J’aurais donc arrêté Sassone. »
Question de la présidente au Néo-Calédonien : « Menuet vous a-t-il prescrit un arrêt de travail ? – Non, pas du tout. »
Et Armand Mégret d’enchaîner par cette observation, en forme de revendication : « Dans ce genre de cas, ce devrait être au médecin prescripteur, en l’occurrence au médecin de l’UCI, de prendre la décision d’arrêter ou pas un coureur pour inaptitude. Depuis des années, je réclame une commission médicale au niveau de l’UCI à ce sujet. Car dans le système actuel, la décision repose sur le médecin d’équipe. »
Pour expliciter son propos, Mégret a alors brandi le cas de Floyd Landis, vainqueur du dernier Tour de France, contrôlé positif à la testostérone. « S’il y avait eu une médecine d’aptitude au niveau de l’UCI au départ du dernier Tour, on n’aurait jamais laissé courir un athlète souffrant d’une nécrose de la hanche et contraint de prendre des corticoïdes grâce aux AUT (autorisations à usage thérapeutique). Et on n’aurait pas eu d’affaire Landis ! »
Plus globalement, il a beaucoup été question, hier à la barre, du rôle des médecins et de leurs limites. Dans la foulée du docteur Jean-Jacques Menuet, Armand Mégret a donc lui aussi tenu à mettre les choses au clair. « Le médecin fédéral est responsable de l’aptitude, du suivi réglementaire des coureurs, a-t-il martelé une énième fois. En France, j’ai ce pouvoir d’arrêter un coureur si on identifie les risques, si on constate – de manière indirecte – une anomalie dans le suivi. Il ne faut pas confondre avec la médecine de contrôle, où il y a une mise en évidence directe d’une prise de produits dopants. Enfin, un médecin d’équipe, lui, est un médecin de soins. Il ne peut pas avoir ce rôle de gendarme dévolu à la Fédération. Car on ne peut tout simplement pas imaginer un médecin d’équipe sans une relation de confiance. »
David Millar, 11.11.2006 l’Equipe
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– Avez-vous appris quelque chose durant ces cinq jours ?
– Ça m’a surtout rappelé des choses douloureuses et j’ai beaucoup de regrets… Mais je veux répéter qu’il n’y avait pas de système de dopage organisé au sein de Cofidis. En revanche, il n’y avait pas de système antidopage organisé. C’est simple, on ne parlait jamais de dopage. Chacun pouvait faire ce qu’il voulait dans son coin. En plus, il n’y avait pas d’entraîneurs. Si on en voulait un, il fallait aller voir à l’extérieur, avec toutes les dérives que vous savez.
– Vous mettez donc en cause les dirigeants de l’époque…
– Oui, Alain Bondue (l’ancien manager) avait une attitude très irresponsable. Il ne se souciait absolument pas de la santé des coureurs. C’est le médecin (Jean-Jacques Menuet) qui s’occupait de nous, de son mieux.
– Vous dites avoir tenté cette semaine d’apporter des solutions pour lutter contre le dopage…
– Selon moi, il n’y a pas de manque de contrôles, ni de faute de l’UCI, de la FFC ou d’autres fédérations. C’est aux équipes de prendre les choses en main, d’être “pro actives”, comme j’ai dit. Il faut commencer par parler du dopage. Parce qu’on n’en parle jamais… Alors que, tous les jours, il faudrait répéter : “Pas de dopage ! Pas de dopage !” Quand je suis arrivé au premier stage de Saunier Duval (son équipe) en début de saison, je l’ai dit à Mauro Gianetti (le directeur sportif). Et il le fait. C’est un premier pas. Autre exemple : interdisons une fois pour toutes les piqûres de récupération au sein des équipes. Il faut arrêter avec cette culture.
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– Selon vous, est-ce que Cofidis a changé depuis 2004 ? Vous avez entendu le discours du manager, Éric Boyer…
– Pour moi, ce n’est qu’un discours. Après cette affaire, l’équipe Cofidis, qui dispose d’un gros budget, pouvait être avant-gardiste dans le domaine de la lutte antidopage. Mais il n’y a pas eu de véritable réaction. Il fallait déjà restructurer toute l’équipe. C’est très représentatif du monde du vélo en général : on attend que les choses se tassent pour continuer un peu comme avant.
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